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Nouvelle cosmogonie   Création 2023
Dossier de presse
exposition du 23 juin au 15 septembre 2023


Dans le contexte actuel de reviviscence de l’Antiquité dans les arts et les productions s’adressant à la culture populaire, que ce soit le cinéma hollywoodien, les jeux vidéo, la bande dessinée, les clips musicaux ou encore les spots publicitaires, une tendance esthétique se dessine entre stéréotypie, clichés éculés et problématiques genrées, normalisant la ligne de réception actuelle de l’Antiquité dans les nouveaux médias : celle de la maximisation, des paysages comme des caractéristiques genrées, qualifiée de “syndrome Acropole”.

Pourtant, il est des œuvres qui nagent volontairement à contre-courant, où la rencontre entre l'Antiquité et la culture contemporaine s'opère sous d'autres auspices à la sémantique plus productive. La proposition “écogonique”, cosmogonie à taille humaine, de Jean-François Daviaud est de celles-là.

Véritable embarcation pour Cythère, la série Eikones au format panoramique se déroule telle un volumen de papyri imagés, dont la lecture circulaire propose une visite en boucle cadencée : une ode visuelle au voyage dans un hors temps antique.

Les personnages : oracle, prêtresse, orants et orantes, bergers, archères, éphèbes et koraï, célèbrent la terre qui les portent. Des êtres hybrides aux confins de l’humanité et de l'entomologie, des animaux exotiques et vénérés, occupent des terres contraires à leur biotope habituel : ici, c’est la théorie des climats d’Hippocrate déclinée sur le mode sacré qui accouche d’un écosystème surréaliste et onirique. L’ensemble des êtres vivants, par leur unicité, évoquent une arche de Noé non pas biblique mais née de la phusis pré-socratique d’un Héraclite ou d’un Pindare. Le tout, sous le regard démiurge d’une présence incongrue qui fascine par son omniprésence : flottant dans un cosmos matriciel, une divinité pisciforme, venue de la nuit des temps ou plutôt de celle des espaces. Là, c’est Jérôme Bosch qui se décline sur un nouveau paradigme.

Tout ce monde (re)créé, à l'instar d'une nouvelle cosmogonie aux enjeux mâtinés de questions contemporaines ou, plus précisément de mise en déroute des clichés attendus comme les représentations stéréotypées des genres, de la violence et de la sexualité fantasmée des Anciens – nous plonge dans l’abîme des rêves, promesse de renouveau et de réinterprétation de l’identité antique. L’ ambiance hiératique fait dialoguer les personnages, les animaux et les références intertextuelles, au travers d'une symbolique des objets rituels dont les cultes, affranchis de toute religion dogmatique, structurent la narration et se reflètent en miroir avec la récurrence des personnages. Dilatation et anamorphose de la temporalité linéaire invitent le spectateur à une promenade dans un espace temps du toujours-déjà-là, faisant de l’Antiquité une terre aux fertilités infinies.

L'écrin brut et raffiné, oxymore visuelle, de cette narration antique a-temporelle constitue le point d'orgue du traitement plastique de cette série : le paysage. Personnage à part entière, lieu signifiant du déploiement de la création qui palpite sous nos regards émerveillés, le paysage mi-réel, mi-rêvé, construit de manière ingénieuse, du fait de ses caractéristiques méditerranéennes presque sensibles sur le plan des odeurs (on pourrait presque sentir le paysage tant sa présence inonde l'image) une esthétique dont la puissance signifiante remotive dans ses paradoxes et ses hyperboles la poésie épique dans ses heures de gloire alexandrine.

Chacun est ici invité à une immersion visuelle et olfactive intemporelle, tout comme à la (re)découverte de références plus érudites relatives à la littérature et à la civilisation gréco-romaines.

Textes et poésies, Laury-Nuria André (Dr de l’ENS de Lyon) spécialiste de l’épopée, du paysage antique et de la réception contemporaine de l’Antiquité.

Le jour des Parques
Eikones, Le jour des Parques. Photo jf Daviaud

Le jour se lève sur les Moires qui filent les perles gelées du destin. La toupie céleste danse dans la voie lactée sous l’oeil d’Oxyrhynque.
Rhinocéros, pointant sa fière corne vers elle, lui impose de son poids, l’inertie du monde.
Voyant la masse de sa cuirasse froide, la Kère s’en est allée, laissant à sa liberté la divine humanité.
 
Offrande à Oxyrhynque
Eikones, offrande à l'Oxyrhynque
 Photo jf Daviaud

Si haut, là-bas, quittant les portes sacrées, sur la crête du crâne d’un varan rocheux, la prêtresse s’avance, avec l’assurance d’une fiancée,
fendant le brouillard aqueux, vers la lumière stellaire, les mains pleines d’offrandes du gynécée, pour le plaisir d’un phallus retrouvé.
Oh le numineux poisson heureux.

Escale à Lemnos
Eikones, Arrivée à Lemnos. Photo jf Daviaud

D’une infâme odeur, Lemnos s’est enténébrée, les femmes pour leur plus grand malheur, de sa déité ont déchu la reine des amours, et de ce crime vexée,
Aphrodite leur insufflant la folie du meurtre, les en a châtié. Du mâle massacré, l’île entière fut ruinée.
Mais au premier matin de l'été, après la nuit du feu, l’odeur purifiée, parut au loin, l’orante aux mains fertilles, don du poisson vénéré,
promesse d’une corne espérée, équilibre et paix

Chélone
Eikones, Chélone.Photo jf Daviaud

Caché dans les entrailles des écailles, pli et repli idéal, le feu sacré du doux foyer, jamais ne sera égalé par de vaines et futiles épousailles
fussent-elles, d’Héra et Zeus, olympiennes. Qui es-tu étrange créature et quel est ce son ?
De l’intensité de cette carapace moirée, vibrant sous l'hermétique caducée, des cordes frottées, l’écho de Chélone cachée, c’est le cri de la liberté retrouvée…

Ad augusta per angusta
Eikones, Ad augusta per angusta. Photo jf Daviaud

Le sort en est jeté. Du haut du Sipyle, les larmes de la repentance ont coulé. Niobé, ici, là, c’est toi, c’est moi…
À orgueil humain, châtiment divin. L’hybris, encore et toujours, plaie humaine, courroux divin. Du signal d’Hécube jusqu’au Cap de Creus,
descendue des cieux, une grande lame de fond roula depuis Troie, ce lamento profond, qui en mémoire des héros résonna, et à jamais les pétrifia.
La triade des Hagia Sophia chantant en rond sur la roche des géants pétrifiés, qui à force d’échos répétés se changea, en d’humaines apparences que l’éternité portera.

Le réveil d'Odonata
Eikones, le réveil d'Odonata. jf Daviaud

Dame ! Que dis-je, éternelle demoiselle tu seras, délicate Odonata ! Des pierres de fées, arrosées d’un jet du lait céleste, tu es née,
vitrail d'ailes immaculées, bijou de verrerie, fragile reflet de l’humanité parallèle, prends garde à toi !
Il pourrait bien t’en coûter, tant la vérité dévoilée, objet de discorde infidèle, les ferait s’embraser, au pied de la cité, d’un feu que seul le désir peut apaiser.

Nécromanteion
Eikones, Photo jf Daviaud

Je vois tout, j’entends tout, je dis tout. Le vent, en rafale, a apporté la nouvelle, une odeur de fête. Hors de l’étroite vallée, le taureau déjà m’a montré sa tête.
Retenue dans le goulet du défilé des Géants de pierre, la triade n’a pu le précéder de son cortège de lierre.
Qu’importe, seule la vérité, à l’instar du soleil et de la lune, ne peut, bien longtemps, rester cachée.
De vapeurs enivrée, je remonte des Enfers. Les lointaines paroles des défunts, j'en chante leur parfum et je les fouille dans ma gorge telles d'antiques runes.

La conque de Bactriane
Eikones, Photo jf Daviaud

Sphinx des strériles déserts de Scythie, Kamélos de pierres sépolies, au son de sa conque,
le Voyageur errant te libérant de ton destin figé, en Dromas te métamorphosa. De la décadente rhinodynastie tu ne fus plus soumis,
devenu le jouet hypnotisé d’un nouveau geôlier, sous le charme de ses mélodies, attaché à jamais, aux horizons illimités d’un étang pour toujours désolé.

Vers les Éternités
Eikones, La route blanche. Photo jf Daviaud

Aux confins du monde, sur de pures routes oxydées, en quête du mirage de l’épice éternelle,
le cortège bachique, en transe, s’avance vers le filon de la particule philosophale.
À la question de l’oiseau messager, selon la réponse donnée, ou une route s’ouvre devant toi, ou c’est le gouffre de l’épice qui t’engloutira.

Tuchè a tergo
Eikones, Photo jf Daviaud

À l’endroit où l’Olivier sacré surgit d’un rocher : Oh la merveille d’une cité !
Sous le regard de la Bergère, veilleuse de l’archaïque conscience,
Pan fou d’un désir exacerbé, franchit sans faille la muraille, pour d’enivrées fiançailles.

Eden deus mondes
Eikones, Photo jf Daviaud

Aulète instigateur, au son de ta flûte harmonique, réveille à son labeur, la nature sous le joug inique !
Taureau sacré et libellule galactée, répondent à l’appel du grand rassemblement, pour, de la terre fécondée, rejouer ensemble son grand ordonnancement.

Le vol de l'ivresse
Eikones, Photo jf Daviaud

De ses bras infinis, Ménades, dans sa ruse providentielle, extirpa des flancs de la nef équine, l’euphorique amphore.
Silène Prima, de sa lyre inspirée, chanta les louanges de la divine ambroisie dérobée, devant le lacustre public des oiseaux initiés,
cachant aux regards des dieux, la délicieuse ébriété.

Sous le voile de Perséphone
Eikones, Photo jf Daviaud

Sous le voile de Perséphone, le suc résonne. Bergère, terre, pierres, vert, tout s’étonne. Les joueurs de cottabe, au nouveau rituel s'adonnent.
Sous le voile de Perséphone, peur, timidité et pudeur s’abandonnent.
Sous le voile de Perséphone, rires, babils et sens s'affolent. Les vagues nostalgies monotones, ont tôt fait d’être comblées, au contenu du rhyton.

À l’Orée de l’écume
Eikones, Naissance d'un nouveau monde. Photo jf Daviaud

De l’ingénuité d’une coquille, toi, chair céleste, née de l’écume fertile des vagues, fruit de noces bénies sous le souffle réchauffé des vents de la nouveauté,
Vénus, première à éclairer la nuit, Vénus, avec ton arrivée, Oxyrhynque sous tes rayons, s’est éclipsé.
D’Hermès la nouvelle annoncée, c’est toi qui, désormais, règneras sur les coeurs délicats de la création humanisée